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La mise en œuvre d’un dispositif de captation d’images dans un cadre professionnel doit répondre à des objectifs précis, légalement admissibles, parmi lesquels :
Ce que dit le Code du travail et la CNIL
La mise en place d’un système de vidéosurveillance est strictement encadrée par la législation française et européenne. Plusieurs textes posent les principes à respecter.
Tout dispositif technique mis en place par l’employeur ne peut porter atteinte aux droits des personnes que dans la mesure où cette atteinte est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. En pratique, cela signifie que :
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) veille à ce que les systèmes de vidéosurveillance respectent la vie privée et les données personnelles des individus filmés. Ses recommandations concernent notamment :
La CNIL peut imposer des sanctions en cas de non-conformité, avec des amendes pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Tout projet d’installation de vidéosurveillance impose à l’employeur plusieurs démarches réglementaires :
Avant toute mise en œuvre, les membres du Comité social et économique (CSE) doivent être consultés conformément à l’article L2312-38 du Code du travail.
Une signalétique visible doit être apposée dans chaque zone concernée. Elle doit mentionner :
Les salariés doivent bénéficier d’une information claire et préalable sur l’existence du dispositif, ses finalités et les modalités de traitement des images.
Aucune caméra ne doit être dissimulée ni installée à l’insu des personnes concernées. Une réunion d’information ou une note de service est recommandée pour assurer la transparence de la démarche.
Il est formellement interdit de filmer :
De plus, l’enregistrement du son est interdit sauf cas très spécifiques.
Tout salarié peut demander l’accès aux images le concernant, sous réserve que les séquences soient encore conservées dans le délai prévu. L’accès est accordé uniquement aux personnes habilitées, mentionnées dans le registre RGPD ou l’autorisation préfectorale.
En cas de dérive ou de non-respect des obligations, les salariés peuvent :
Pour bien comprendre les enjeux liés à l’utilisation des systèmes de vidéosurveillance et à sa bon utilisation, examinons 3 cas réels tirés de la jurisprudence, où la vidéosurveillance a été validée ou invalidée comme preuve par les juges ou l’autorité compétente :
Dans cette affaire, jugée récemment en France, une pharmacie avait installé des caméras de surveillance pour la sécurité des biens et des personnes. Une de ses employées, caissière, a été licenciée pour faute grave après la découverte d’importants écarts inexpliqués dans les stocks de médicaments. Tout est parti d’un inventaire qui a révélé ces écarts anormaux. Pensant d’abord à des vols commis par des clients, le gérant a visionné les enregistrements vidéo pour en avoir le cœur net. Les images ont montré qu’aucun client n’était en cause, mais qu’en réalité c’était cette salariée qui falsifiait les enregistrements de caisse (par exemple en passant moins d’articles que ce qui était réellement vendu ou en faisant des ventes hors procédure). L’employeur a alors décidé de la licencier et a conservé les extraits vidéo pour justifier la sanction.
Contestant son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel, en faisant valoir que les vidéos constituaient une preuve obtenue de façon illégale. En effet, si les caméras avaient été installées officiellement pour la sécurité, elles avaient également servi à surveiller l’activité des employés sans information préalable suffisante. Or, la loi française (appuyée par l’ancienne loi “Informatique et Libertés” et désormais par le RGPD) oblige l’employeur à informer les salariés et à consulter le comité social et économique (CSE) avant de mettre en place un dispositif de contrôle au travail – faute de quoi les preuves recueillies par ce moyen sont considérées comme illicites. Dans ce cas précis, il était reproché à l’employeur de ne pas avoir clairement averti le personnel que la vidéosurveillance pourrait aussi servir à contrôler leur activité, et de ne pas avoir consulté le CSE sur ce sujet.
La question était donc de savoir si ces enregistrements vidéo, obtenus en violation des procédures, pouvaient malgré tout être utilisés comme preuve du manquement de la salariée. Après un long parcours judiciaire, la réponse finale a été oui. La Cour de cassation (la plus haute juridiction française en droit du travail) a confirmé la validité de la preuve vidéo dans ce licenciement. Pour parvenir à cette décision exceptionnelle, les juges ont estimé que le droit à la preuve de l’employeur devait l’emporter, compte tenu des circonstances, sur le droit à la vie privée de la salariée. Autrement dit, ils ont jugé que, dans ce contexte particulier, utiliser la vidéo était indispensable pour garantir un procès équitable et pour démontrer la faute grave commise, ce qui rendait son utilisation admissible.
Cependant, cette admission d’une preuve issue d’une vidéosurveillance irrégulière ne s’est pas faite à la légère. Les magistrats ont appliqué un test de proportionnalité très strict avant de valider la preuve. Selon l’arrêt de la Cour de cassation, une telle preuve n’est recevable que si plusieurs conditions cumulatives sont remplies :
Motif légitime : Le recours aux images doit répondre à un besoin réel et sérieux de l’employeur, justifié par les circonstances (ici, une suspicion de vols ou de fraudes).
Dernier recours : Les enregistrements vidéo doivent constituer le seul moyen de démontrer la faute du salarié, faute d’alternative moins intrusive pour établir la vérité.
Surveillance ciblée : Les images ne doivent être conservées que sur une période limitée et visionnées uniquement par les personnes habilitées (par exemple le responsable, et non diffusées largement).
Atteinte minimale aux droits : L’atteinte à la vie privée du salarié doit être strictement proportionnée au but recherché. En d’autres termes, l’usage de la vidéosurveillance ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’entreprise.
Dans cette affaire, les juges ont considéré que toutes ces conditions étaient réunies. La vidéosurveillance n’avait été utilisée qu’après des pertes inexpliquées et sur une durée courte, ciblant spécifiquement la caisse de la salariée fautive, et il n’existait pas d’autre moyen aussi efficace de prouver les manipulations constatées. La preuve vidéo a donc été jugée indispensable et proportionnée, et le licenciement pour faute grave a été validé sur cette base. Ce cas illustre de manière concrète les enjeux juridiques de la vidéosurveillance : même si le principe est de protéger la vie privée des salariés, une entorse aux règles peut être admise à titre exceptionnel lorsque la sécurité ou la preuve de faits graves est en jeu, à condition de respecter un strict contrôle de proportionnalité.
Si la vidéosurveillance peut, dans certains cas exceptionnels, être admise comme preuve contre un salarié, elle peut aussi être déclarée illégale lorsqu’elle est utilisée de manière excessive ou sans respecter les règles. L’un des cas les plus parlants à ce sujet est celui d’une PME spécialisée dans l’immobilier, sanctionnée en décembre 2022 par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) pour surveillance abusive de ses salariés.
Dans cette entreprise, des caméras avaient été installées dans les bureaux, filmant en permanence les postes de travail, sans zones de confidentialité et avec enregistrement sonore. Les employés n’étaient ni clairement informés de l’étendue de la surveillance, ni consultés à travers leur comité social et économique (CSE), comme l’exige pourtant le Code du travail et le RGPD. De plus, les images et les sons étaient conservés au-delà de la durée strictement nécessaire, sans justification claire ni dispositif d’accès sécurisé.
À la suite de plusieurs plaintes de salariés, la CNIL a mené une enquête et conclu à une violation multiple des principes du RGPD :
Finalité disproportionnée : l’entreprise prétendait vouloir renforcer la sécurité, mais en réalité, les caméras filmaient aussi les employés à leur poste sans interruption, y compris lors des pauses, ce qui n’était pas justifié.
Manque d’information : les salariés n’étaient pas informés de manière transparente sur les objectifs, la durée de conservation, ni leurs droits concernant ces enregistrements.
Absence de base légale claire : aucun consentement explicite n’avait été recueilli, et l’entreprise ne pouvait pas justifier d’un intérêt légitime suffisant pour une telle surveillance constante.
Résultat : amende de 40 000 € infligée par la CNIL, accompagnée d’une injonction de mise en conformité. L’autorité a rappelé dans sa décision que la vidéosurveillance des salariés ne peut jamais servir à les placer sous observation constante, sauf à violer leur vie privée. L’objectif de sécurité ne justifie pas tout, surtout si l’on filme les employés de manière générale et non ciblée.
Ce cas souligne un point fondamental : la mise en place de caméras ne dispense pas de respecter les droits des personnes filmées, surtout lorsqu’il s’agit de salariés. Même si l’intention de départ est légitime, un usage excessif, opaque ou mal encadré peut coûter cher à l’entreprise, à la fois juridiquement et financièrement.
La vidéosurveillance ne concerne pas uniquement les relations employeur-salarié. Elle joue aussi un rôle croissant dans le traitement des sinistres par les assurances, que ce soit pour des cambriolages, des accidents ou des actes de vandalisme. Un exemple concret montre comment une simple caméra peut faire toute la différence pour un assuré.
En 2021, dans le département du Rhône, un particulier avait équipé son garage d’une caméra de surveillance connectée, après plusieurs tentatives d’effraction dans le voisinage. Un soir, alors qu’il était absent, deux individus s’introduisent dans la propriété, forcent la porte du garage et dérobent plusieurs outils et objets de valeur. Grâce à la caméra, la scène complète est enregistrée : intrusion, effraction, durée du vol, comportement des cambrioleurs. L’enregistrement est immédiatement transmis au propriétaire via son smartphone, qui alerte la police et son assureur dans la foulée.
Lorsque l’assuré déclare le vol, l’expert mandaté par l’assurance constate l’absence de trace visible d’effraction sur la porte extérieure, ce qui aurait pu remettre en cause l’indemnisation selon les clauses du contrat. Mais grâce à la vidéo, il est établi que l’effraction a bien eu lieu par l’intérieur du portail secondaire, et que l’acte était délibéré et rapide. L’assurance reconnaît alors la réalité du vol et procède à l’indemnisation intégrale, soit plus de 3 500 €.
Ce cas, relayé par la presse régionale et évoqué par plusieurs compagnies d’assurance, illustre un tournant : les preuves vidéo deviennent de plus en plus décisives pour traiter rapidement les réclamations. Que ce soit avec une caméra fixe dans un commerce, une dashcam sur un véhicule ou un système domotique relié à un cloud, les assureurs acceptent désormais ce type de preuve, à condition qu’elle respecte certaines règles :
Le système doit être déclaré légalement (et ne pas filmer la voie publique sans autorisation).
L’enregistrement doit permettre clairement d’identifier les faits (date, heure, lieu, circonstances).
L’utilisation de la vidéo ne doit pas porter atteinte à la vie privée de tiers de manière abusive.
Aujourd’hui, de nombreuses assurances encouragent même leurs clients à s’équiper de caméras connectées, parfois via des offres packagées. Et en cas de sinistre, les images deviennent une pièce maîtresse pour prouver les faits — et accélérer l’indemnisation.